Est-ce qu’un faible taux de syndicalisation est un atout pour une entreprise, un pays ?
Il est plus que permis d’en douter. Le travail - qui devient de plus en plus immatériel - demande la contribution de toutes les intelligences. La réussite de l’entreprise ou de l’organisation repose sur l’accord de tous pour faire au mieux son travail. Ce qui veut dire, aussi, que chacun soit justement reconnu pour sa contribution à l’œuvre collective.
Or, les intérêts de ceux qui sont dirigés et de ceux qui dirigent ne sont pas nécessairement les mêmes. Pour le dire en langage simple : cela se discute. Et cette discussion est un élément essentiel de la démocratie, de plus en plus malade par ailleurs dans la sphère politique.
Et pourtant : le syndicalisme n’a jamais été aussi faible dans notre pays. Cela tient à une histoire bien connue, certes. Mais cela n’excuse rien. Le syndicalisme est absent là où se crée l’activité et l’emploi. Il est absent là où il serait vital : auprès des jeunes, des salariés des TPE et des PME, des exclus de l’emploi à temps plein, des intérimaires. Il ne se préoccupe guère de l’armée de précaires et de chômeurs. Il est fort là où les statuts sont protecteurs : la fonction publique, les grandes entreprises para-publiques, les bastions traditionnels de la grande industrie.
Alors à quoi cela sert-il de se syndiquer aujourd’hui en France ?
Qu’est-ce qui pourrait convaincre des millions de salariés, de chômeurs, de précaires, d’indépendants, d’intérimaires de rejoindre une organisation syndicale ?
Marcel Grignard a accepté l’invitation de l’Université ouverte pour traiter cette question extrêmement difficile et sensible. Militant et dirigeant de la CFDT, négociateur extrêmement respecté, ayant tissé des liens étroits avec les syndicalistes européens, il a notamment été l’un des porteurs du fameux rapport de la CFDT en 2009 : le syndicalisme à un tournant… oser le changement !
Son approche est très loin de la langue de bois. Elle touche à ce qui fait société, à ce qui fait lien dans un pays. Elle est absolument passionnante.
Jean Besançon
Directeur de l'UODC
Marcel Grignard devient secrétaire national de la CFDT en 2005 puis secrétaire général adjoint de 2009 à 2012. Il a en charge la coordination de l’activité revendicative, le dialogue social et les institutions représentatives du personnel, la politique européenne, les politiques industrielles, la recherche, le développement durable et la responsabilité sociale des entreprises.
Electronicien dans un grand groupe industriel de la métallurgie de 1973 à 1993, il y a exercé des mandats de représentant des salariés et des responsabilités syndicales locales et nationales.