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En 2005, Bagoré Bathily, vétérinaire franco-sénégalais, constate que près de 90% du lait consommé au Sénégal est importé d’Europe ou de Nouvelle-Zélande sous forme de poudre. Alors que près de 4 millions de personnes, principalement des Peuls, vivent traditionnellement de l’élevage et pourraient produire du lait. Il a alors l’idée de créer une entreprise qui propose des produits à base de lait collecté localement et qui permettrait d’améliorer les conditions de vie des éleveurs. Cela pourrait être le début d’une très belle histoire, car la Laiterie du Berger s’est largement développée ? C’est en fait un cas passionnant de la stratégie et de la lutte du local face au global de la mondialisation.Le challenge pour la Laiterie du Berger, c’est d’essayer de vendre sur le marché sénégalais des produits laitiers avec du lait produit par des éleveurs locaux.
Le marché est porteur, yaourts et lait se vendent de mieux en mieux dans tout le Sénégal. Cela constitue un complément de ressources très appréciable pour des éleveurs à très faible revenu, cela participe de la lutte contre un exode rural dévastateur, etc. Donc, c’est une belle histoire ?
Le petit souci, ce sont les conséquences de la mondialisation. Le lait provenant d’Europe ou de Nouvelle-Zélande arrive en poudre à Dakar, à 250 FCFA. Le lait produit sur place revient au double si l’on veut payer les éleveurs convenablement.
Pour mille raisons : les éleveurs sont dispersés sur des territoires très étendus, leurs vaches produisent peu (320 litres par an, contre 8000 litres en France), les coûts de ramassage sont très élevés, etc.
Le consommateur, à priori, va vite faire son choix.
Et pourtant, la Laiterie du Berger fait aujourd’hui 20 M€ de chiffre d’affaires, emploie directement 500 personnes, rémunère 1200 éleveurs dans le nord du Sénégal et contribue à 5000 emplois indirects. Les produits (marques Dolima et Kossam) sont distribués dans 12 000 points de vente, ce qui est sidérant pour des produits frais.
Ce qu’il a fallu résoudre depuis plus de 15 ans comme problèmes pour Bagoré Bathily pour en arriver là est stupéfiant. Ce qu’il a fallu inventer, comme – un exemple parmi 100 – un système de paiement ultra moderne par carte pour des éleveurs analphabètes.
Il ne l’a pas fait seul. Comme tout grand entrepreneur et stratège, il a su trouver des alliés, y compris des alliés puissants : Danone Communities (cf. la remarquable intervention de Muriel Pénicaud à l’UODC du temps où elle était DRH de Danone), le Crédit Agricole, des réseaux familiaux.
Cela ne s’est pas fait en un jour : il a fallu plus de 15 ans pour en arriver là.
Mais ce qui était passionnant dans l’échange avec Bagoré Bathily (en direct de Dakar, une première à l’UODC), c’est de comprendre comment il raisonne pour penser le développement dans le monde dans lequel nous sommes. Et nous sommes reliés : c’est notre lait qui arrive à pas cher là-bas. En pensant à la fois le business, le social (oh combien !) et le changement climatique. En pensant aussi ses environnements : le Sénégal, bien sûr, mais aussi les pays voisins.
L’UODC a pensé que cette aventure étonnante pouvait inspirer énormément de monde ici. Nous ne sommes pas au Sénégal, peu d’entre nous sont chefs d’une entreprise agro-alimentaire. Et pourtant…
Nous sommes extrêmement reconnaissants à Bagoré Bathily, personnalité extrêmement attachante, d’avoir accepté notre invitation.
Bagoré Bathily vétérinaire franco-sénégalais, est le fondateur de l’entreprise sociale La Laiterie du Berger qui développe une filière laitière au Sénégal.
Il grandit à Dakar dans une famille franco-sénégalaise. C’est dans la capitale qu’il fait toute sa scolarité jusqu’au baccalauréat. Pour ses études supérieures, il part en Belgique et intègre tout d’abord l’université de Louvain la Neuve puis celle de Liège pour étudier la médecine vétérinaire. Il acquiert par la suite sa spécialisation à l’Institut vétérinaire tropical de l’université de Liège.
En tant que jeune vétérinaire, Bagoré Bathily commence par travailler dans le milieu rural en France puis retourne sur le continent africain et exerce en Mauritanie. Dans le cadre d’une mission humanitaire, il étudie ainsi l’élevage pratiqué par les populations semi-nomades.
De retour au Sénégal, il analyse que les éleveurs nomades considèrent leur bétail comme un bien ou même un outil d’épargne mais pas comme un moyen de production. Le pays importe en effet 90% de sa consommation laitière et les producteurs indépendants sont déconnectés du marché. C’est dans ce contexte que le vétérinaire imagine son entreprise.
Sa fondation part donc du constat que près de 90% du lait consommé au Sénégal est importé sous forme de poudre alors que près de 4 millions de personnes, principalement des Peuls, vivent traditionnellement de l’élevage et pourraient produire du lait. L’idée est de créer une entreprise qui propose des produits à base de lait collecté localement et permette d’améliorer les conditions de vie des éleveurs.
Créée fin 2005, la Laiterie du Berger commence son activité en 2007. Avec le soutien de fonds d’investissement et de différentes fondations, Bagoré Bathily développe son équipe pour la collecte de matière première, la transformation et la distribution des produits laitiers. Il lance la marque « Dolima » et cette dernière devient n°2 des ventes de yaourts au Sénégal.
La Laiterie du Berger contribue à développer une filière laitière locale en se fournissant auprès d’éleveurs locaux et en leur facilitant l’accès à différents services (fourniture d’aliment de bétail, crédit…).
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Crédits
Amphi débat du 29/06/2021
Date d'édition : 07/09/2021
Durée : 0:58:38
Programmation et animation : Jean Besançon, directeur de l'Uodc
Réalisation et édition : Pierre Cécile
Prise de vue : Enregistrement vidéo issu de la plateforme de visioconférence Zoom
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