Marie Duru-Bellat Sociologue, professeur de sociologie à Sciences Po Paris
Dans son dernier ouvrage co-écrit avec François Dubet et Antoine Vérétout, Les sociétés et leur école : emprise du diplôme et cohésion sociale (Editions du Seuil, 2010), Marie Duru-Bellat démontre des faits étonnants.
Par exemple :
Rien ne prouve a priori qu’une école ouverte et équitable produise une société plus mobile et plus juste.
Rien ne prouve que le système apparemment « méritocratique et juste » du diplôme soit facteur d’égalité dans une société. Et pour être précis : au contraire.
Les analyses et les très fines comparaisons internationales menées par Marie Duru-Bellat, François Dubet et Antoine Vérétout sont redoutables pour beaucoup de nos illusions « franco-républicaines » sur l’école. Ces « allant de soi » qui obscurcissent la pensée et empêchent d’agir utilement.
Ces analyses semblent cruelles lorsque les auteurs nous montrent ce que la « passion » française du diplôme, de la certification, de l’obligation d’un parcours scolaire parfaitement réussi pour espérer atteindre une place sociale convenable pouvait avoir comme effets pervers, à l’échelle d’une société.
En terme de cohésion sociale, d’égalité des chances, de sentiment de justice, de sens du vivre ensemble.
En 2011, cette question ne concerne pas que l’école. Elle est plus actuelle que jamais.
Elle concerne le monde du travail, avec son fameux triptyque qualification / certification / classification. Triptyque parfaitement cohérent avec l’organisation sociale de la société française.
Elle concerne la société tout entière. D’autant plus que le politique paraît ne plus avoir de prise sur l’économie dans le monde d’aujourd’hui. Du coup, l’école (comme la justice ou la sécurité) apparait comme l’un des derniers bastions où le politique parle d’agir.
« (…) De manière générale, nous exigeons d’autant plus de l’école et des systèmes de formation que nous avons le sentiment que les Etats nationaux n’ont plus la pleine maîtrise de leur destin économique ; ayant l’impression de ne pouvoir maîtriser la mondialisation qui paraît tout emporter, nous attendons de l’éducation scolaire qu’elle nous donne ou nous redonne la capacité de peser sur nos destins collectifs.
C’est en ce sens que l’école est investie d’un devoir de salut et qu’il n’est pas un problème social auquel elle ne doive apporter des réponses.
Ces attentes et ces croyances sont aujourd’hui si fortement ancrées qu’il semble presque incongru de les discuter. »
Dans cette perspective, l’Université ouverte des compétences est particulièrement heureuse de recevoir Marie Duru-Bellat pour débattre d’une question aussi centrale.
Parmi ses autres publications :
Les sentiments de justice à et sur l'école, avec Denis Meuret (Editions de Boeck Université, 2009) Le mérite contre la justice (Editions Les Presses de Sciences Po, 2009) ; L'inflation scolaire : Les désillusions de la méritocratie (Editions du Seuil, 2006) ; Les Inégalités sociales à l'école. Genèse et mythes (Editions PUF, 2002) ; L'Hypocrisie scolaire, avec François Dubet (Editions du Seuil, 2000).
Cette séance s'inscrit dans la série des amphis de l'Université ouverte des compétences sur les questions d'éducation, et notamment dans la période récente :
- Peut-on gouverner et réguler un système de formation en France ?, Denis Meuret, mardi 09 juin 2009.
- Les voies d’une formation professionnelle initiale sans échec, Christian Forestier, mardi 16 juin 2009.
- Vers des "cités de la professionnalisation" ? Un même lieu pour articuler formation professionnelle initiale, continue, apprentissage et pépinières d’entreprise ?, Jean-Pierre Cardi, mardi 30 juin 2009.
- Comment réussir avec ceux qui n’ont rien ? La piste des écoles de la 2ème chance, Jeanne Schneider, mardi 06 avril 2010.
Avec Marie Duru-Bellat, sociologue, professeur de sociologie à Sciences Po Paris et chercheur à l'Observatoire sociologique du changement.