Depuis un peu plus de vingt ans, la procédure
« concurrentielle » de l’appel d’offre a complètement envahi le champ de la formation professionnelle en France.
Un conseil régional, une grande entreprise choisissent leurs prestataires de formation les « mieux disant », sur la base des réponses aux appels d’offres qu’ils rédigent.
Cela paraît maintenant tellement une évidence, que l’on a du mal à imaginer que pendant des décennies il en a été tout autrement.
Comme l’on a du mal à imaginer que l’équipe du Cuces de Bertrand Schwartz dans la Lorraine des années 1960 aurait pu développer le quart des innovations qui ont été les siennes dans le bassin houiller en répondant à des « appels d’offres ».
À l’époque, le travail de ceux qui intervenaient en matière de formation était d’abord de comprendre quelles étaient les difficultés à résoudre. Comme pouvait le faire un consultant sérieux avec son client. Difficultés qui, éventuellement, pouvaient appeler une réponse « formation ».
Ce travail de compréhension des difficultés à résoudre demande du temps d’échange, de la finesse, du métier. Il fait partie intégrante du travail : les vraies difficultés sont rarement les plus apparentes, elles ne se laissent pas facilement décrire.
Dit autrement, il est aujourd’hui comme hier très difficile d’écrire ce qui est vraiment important dans un appel d’offres : l’essentiel est souvent entre les lignes.
En 2013, deux questions se posent, parmi d’autres :
1 - Est-ce que l’on sait « acheter » de la formation (voire une modalité d’intervention), comme une ville achète une prestation de travaux publics ? Comme un constructeur automobile achète ses équipements chez ses sous-traitants ? Ce n’est pas sûr.
2 - Est-ce que, pour les commanditaires publics, la formation professionnelle est une prestation relevant du droit de la concurrence communautaire ?
Ou bien pourrait-elle relever d’une politique d’intérêt général ? Et dans ce cas, qu’est-ce qui permettrait, en droit, de changer de logique, de ne plus passer par les sacro-saints appels d’offres ?
Dit autrement est-on sûr que la logique d’appels d’offre soit la plus adaptée pour mener une politique d’intérêt général en matière de compétences sur un territoire ?
Ces deux questions émergent enfin dans le débat public, notamment à l’initiative de quelques conseils régionaux pionniers.
Il se pourrait que le droit communautaire de la concurrence, souvent brandi en paravent, soit beaucoup plus ouvert que l’on ne l’imaginerait.
Et que la France pourrait décider de créer un cadre législatif et juridique permettant de s’en affranchir, à certaines conditions.
Alors, concrètement, par quoi pourrait-on remplacer les appels d’offres en formation ?
L’Université ouverte a choisi d’aborder cette question aux effets induits considérables avec Carine Seiler. C’est une experte spécialiste du droit de la formation professionnelle et du droit communautaire.
Elle travaille dès à présent auprès de quelques conseils régionaux.
Elle n’ignore pas non plus les dimensions proprement politiques de la question.
Nous sommes heureux de l’accueillir et de débattre avec elle.
Jean Besançon
Directeur de l’UODC