Crise de l’emploi, fermeture ou contrôle des frontières, et un lot d’incertitudes face à un risque sanitaire que l’on maitrise mal: le covid pose un véritable défi aux jeunes entrants sur le marché du travail. Pour une fois, cette situation de précarité face à l’emploi englobe l’ensemble des vingtenaires. Le Plan pour l’insertion de 6, 5 milliards d’euros annoncé par le gouvernement fin juillet, composé de différents volets pour l’aide à l’embauche et pour la formation, vise tous les moins de 25 ans – la prime pour l’embauche concerne ceux qui sont recrutés pour au moins trois mois jusqu’à deux SMIC, un niveau de salaire qui concerne presque tous les nouveaux diplômés. Dans ce contexte inédit, sur quelles cartes miser pour atteindre le graal de l’insertion, des diplômes ou de la capacité à se réinventer dans le brouillard du monde ?
Depuis cinquante ans, l’éducation universitaire s’est imposée comme le nerf de la guerre des positions sociales. Son élan démarre en flèche aux États-Unis dans les années 1970 et est suivi quelques années plus tard dans les pays européens, puis asiatiques.
Aujourd’hui, cette course en faveur de l’enseignement supérieur se poursuit – nombre d’établissements et nombre d’étudiants continuent d’augmenter et surtout de se diversifier partout – mais elle a atteint un certain palier. Dans les pays de l’OCDE, 44% des millenials (25-34 ans) sont diplômés du supérieur en 2017, alors que les baby boomers (55-64 ans) ne le sont que pour 26% d’entre eux. Ce qui conduit les chercheurs du Pew Research Center à titrer avec emphase : « Les millenials sont en train de devenir la génération la plus éduquée que l’on ait connue ». La césure entre les diplômés du supérieur, certains à terme de trouver un emploi, et les autres dotés de moindre parchemin, qui peineront bien davantage à s’insérer dans un travail stable, est régulièrement désignée comme la matrice organisatrice des inégalités de destin dans les sociétés modernes.
Un point de clivage essentiel a émergé dans ce marathon aux diplômes : entre les étudiants qui chassent dans les hautes sphères du système, qui poussent le plus loin leurs études, qui fréquentent les établissements prestigieux, et qui souvent multiplient les parchemins grâce aux passerelles édifiées entre les filières, d’une part, et tous les autres, d’autre part. Les bacs + 5 (et souvent davantage), les détenteurs d’un doctorat ou du titre d’une profession d’expertise fermée statutairement (avocat, médecin, journaliste, architecte) et plus largement les diplômés des grandes écoles d’ingénieur ou de management, forment un monde en soi assez éloigné des autres étudiants (des filières professionnelles, ou dans des secteurs moins porteurs) qui vont occuper des positions moyennes. La montée en gamme du niveau de diplôme a abouti à créer une « élite de masse »...
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