Étrange histoire que celle de l’orientation au sein du système scolaire. Bousculés (manipulés ?) par les syndicats, les influences politiques, les « conseillers d’orientation » sont une profession maudite. C’est au moment où on vient de leur reconnaître le « titre » de psychologues que leur métier devient l’un des plus difficiles à exercer. Et pas sûr que la psychologie y suffise ! Le livre de Paul Lhener Les Conseillers d’orientation, un métier impossible (2020) aide à y voir un peu plus clair en retraçant la longue histoire de cette profession et de ce métier si difficiles.
Il s’agit bien uniquement des conseillers d’orientation internes au système scolaire, aussi bien les psychologues du primaire (souvent d’anciens instituteurs) que les « CIO » (Conseillers Information et Orientation), parfois dénommés Co-Psy pour depuis 2017 se voir finalement reconnaître l’intitulé « Psychologues-EN » (« EN » pour Éducation nationale). Une des fonctions les plus décriées au sein du système éducatif : Gilles Kepel dans son livre Banlieues de l’Islam écrivait d’eux qu’ils étaient encore plus détestés par les jeunes que les policiers. C’est dire.
C’est une longue affaire dans laquelle se mêlent des convictions rationalistes (identification des déterminismes biologiques qui caractérisent les types d’élèves), des critiques sociologiques (Wallon, celui du Plan Langevin-Wallon de 1945, ou Pierre Naville dans son livre Théorie de l’orientation professionnelle en 1945 aussi), et de grands combats syndicaux. Certains courants du SNES (syndicat des enseignants du second degré) qui ne veulent pas que l’orientation échappe aux enseignants tandis que d’autres sont fermement partisans de la « psychologie expérimentale » comme d’une science exacte, avec des batteries de tests psychotechniques (dont l’AFPA fut très adepte et longtemps). S’y ajoutera ensuite une forte opposition entre le SNES majoritairement communiste et le SGEN-CFDT : les premiers toujours très partisans d’une définition scientifique et technique du métier par les méthodes psychotechniques tandis que les seconds défendent une approche du type « éducation aux choix », ou fourniture de ressources pour contribuer à l’autonomie et l’autodétermination des élèves.
C’est une longue affaire dans laquelle le besoin de réguler les flux de jeunes, avec par exemple la création des IUT en 1966 pour désengorger les facs de lettres, conduit à définir davantage les missions des conseillers d’orientation par la diffusion d’informations sur l’état du marché du travail, sur les métiers et les filières à suivre pour y parvenir. Surtout après 1968 : l’ONISEP (organisme d’information sur les métiers et les professions doté de directions régionales) est créé en 1970, avec en son sein le CEREQ pour contribuer à produire des connaissances...
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Rédactrice en chef de Metis, Danielle Kaisergruber est consultante experte emploi-formation (DKRC). Elle est intervenue à l'UODC en 2019 : "L'intervention du consultant en entreprise. Des repères pour le métier, ce qui peut faire que ça marche", novembre 2019, Vidéo complète n°250.