Après Le travail invisible (2013), Pierre-Yves Gomez publie Intelligence du travail, un livre important sur la place et le sens du travail dans la société contemporaine. Une réflexion stimulante, mais résolument critique de la modernité. Denis Maillart l'a lu pour Metis et le met en face de la plupart des conceptions du travail.
Des deux cités, la guerre a commencé ! Ce n'est pas Tolkien qui parle ainsi ; nous ne sommes pas dans l'un des volumes du Seigneur des anneaux. C'est Pierre-Yves Gomez, plus prosaïquement professeur à l'EM Lyon, qui livre cet avertissement martial dans son dernier ouvrage : Intelligence du travail. Pour lui, en effet, deux désirs de liberté s'opposent frontalement dans le monde moderne : être libre au moyen de l'effort ou être libre grâce au plaisir.
Ces désirs contradictoires ont donné naissance à ce qu'il appelle deux « cités », en guerre l'une contre l'autre : d'un côté, la cité du travailleur dans laquelle le citoyen se définit par son travail et dans l'interdépendance avec d'autres travailleurs ; de l'autre, la cité du consommateur dans laquelle le citoyen est défini selon la quantité de biens dont il peut bénéficier. La vertu politique de la première est l'utilité ; celle de la seconde est l'agréable. D'un côté, l'utilité de ce qui est créé par le travail dans une économie de proximité avec ceux qui vont bénéficier du fruit de ce labeur ; de l'autre, le plaisir de disposer à sa guise de toutes sortes de biens et de services sans lien avec ceux qui les ont produits.
Laquelle de ces manières de vivre va l'emporter ? C'est tout l'enjeu de la mutation actuelle dans laquelle le travail retrouve enfin son sens politique. Mais Pierre-Yves Gomez ne se fait pas d'illusion : si la société de consommation possède de nombreux défauts, elle garde aussi de solides arguments. On ne combat pas si facilement le principe de plaisir...
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Metis, correspondances européenne du travail est un journal en ligne, engagé et indépendant. Il a pour projet de contribuer au débat nécessaire que suscitent les mutations qui affectent le monde du travail en Europe. Parce que les questions du travail sont au cœur de la vie démocratique, Metis pense qu'elles conditionnent la « reprise » du projet européen et la constitution d'une Europe sociale.