En faisant dialoguer les sociologies du corps et du travail, c’est toute la palette des multiples expressions du corps travaillé qui se déploie : le corps énergie à laquelle renvoie la métaphore du « moteur humain » saisi comme un lieu de projection du pouvoir, le corps sensible vu comme puissance d’agir et rapport pratique au monde, le corps socialisé enchâssé dans les différents rapports sociaux se jouant dans le body work, ou encore, le corps « marchandise » pensé à travers les modes d’appropriation capitaliste dont il peut faire l’objet.
Les six articles de ce Corpus rouvrent la boîte noire du corps au travail. Qu’il s’agisse des corps mobilisés par les scaphandriers travaux publics ou par les coursiers à vélo chez Deliveroo qui expérimentent de nouvelles techniques spatio-temporelles. Les corps des éducateurs spécialisés sont engagés à travailler (sur) les corps de « jeunes de quartier » ou d’enfants « intellectuellement déficients » et donnent à voir la variété des régimes de corporéité impliqués dans le travail social. Enfin, les corps des ouvriers de l’industrie et du BTP atteints de cancers ou ceux transformés en échantillons organiques par les biobanques révèlent comment le travail peut franchir les barrières de la peau.
Dans la rubrique Varia, la rationalisation de la tournée des facteurs de La Poste a les effets attendus d’une automatisation d’un processus qui ne tient pas compte de la réalité du terrain et surcharge les journées : le remplacement d’un modèle fondé sur la confiance et la négociation chez les fonctionnaires d’hier par une prescription tendue contribue à une détérioration des conditions de travail de salariés aujourd’hui titulaires de contrats de droit privé. Le deuxième article analyse un paradoxe : aux États-Unis et ici à Oakland, ce sont plutôt les ouvriers travaillant dans le bâtiment qui choisissent leur patron ou leur employeur momentané, en raison d’une ethnicisation pratique de ceux-ci, c’est-à-dire par un classement plus ou moins explicite selon leurs qualités de patrons...
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La Nouvelle Revue du Travail est une revue scientifique dont les auteurs, chercheurs ou praticiens, s’adressent au public académique et à celui des entreprises et des administrations publiques, à un moment où l’enseignement supérieur forme plus d’intervenants que de chercheurs. Le travail est pensé comme une notion transversale au carrefour des différents courants de la sociologie...