Les Formations en situation de travail (FEST) seraient entrées d’un coup dans le monde de la formation professionnelle, consacrées par la Loi Avenir Professionnel du 5 septembre 2018. Mais… comme M. Jourdain, les entreprises disent qu’elles ont toujours fait de la formation en situation de travail. Simplement, comme le rappelle subtilement Catherine Bissey : en France, c’est bien souvent loin de la forge que nous avons appris à forger ! Nous venons d’une longue histoire de séparation profonde entre le monde du travail et celui de la formation.

Alors, en 2021, les FEST seraient enfin le signe de la réconciliation en France de deux mondes qui s’ignorent et font semblant de travailler ensemble depuis des lustres ?

Et bien peut-être pas tant que cela.

Catherine Bissey avance des hypothèses aussi perspicaces que décapantes sur la question des formations en situation de travail. Elle les teste aujourd’hui en grandeur réelle sur un ensemble de TPE en Ile-de-France. Et elles sont précieuses.

Pourquoi ?
Parce qu’elles pourraient permettre de comprendre un paradoxe : pourquoi le monde de la formation s’est emparé avec beaucoup d’allant des « formations en situation de travail ». Et pourquoi les entreprises y vont-elles sur la pointe des pieds pour mettre en place des « AFEST » (Actions de formation en situation de travail), au sens de la Loi, sur les lieux de travail ?

C’est parce qu’elles n’ont pas compris leur intérêt ? Parce que la communication n’a pas été assez bonne, la Loi trop compliquée ? C’est toujours le premier réflexe des personnes qui pensent et dirigent.

Ou bien, si l’on creuse un peu, parce que précisément les entreprises ont compris que ce qu’elles faisaient depuis longtemps, de manière fortuite, incidente, au fil de l’eau, entre pairs, non formelle - et souvent assez efficace -, risquait bien d’être englué dans les procédures dont le monde de la formation raffole.

Du coup, il s’agirait peut-être, pour réussir les « Formations en situation de travail », de redonner la main aux entreprises. Et de la retirer aux experts.

Dit autrement, Catherine Bissey avance dans un très récent et dense article de la remarquable livraison de la revue Education Permanente (n°227, L’AFEST : cadrages et débordements) : « C’est à condition d’impacter l’organisation que la FEST joue son rôle, en transformant autant ceux qui savent que ceux qui apprennent ; c’est en renouvelant le travail que la FEST agit. Cela est possible à condition que le travail inclue la formation et non l’inverse. C’est pourquoi il nous semble nécessaire de préserver l’autonomie des organisations dans la prise en main de l’AFEST. »

En intervenant à l’UODC, Catherine Bissey, dont toute l’histoire personnelle symbolise l’alliance fertile d’une longue expérience des questions de professionnalisation dans le monde des (très) petites entreprises et d’une ouverture permanente à la recherche sur le sujet, va tenter de nous livrer un cadeau : les règles de ce qui pourrait permettre la réussite des AFEST dans les entreprises.

L’UODC est extrêmement heureuse que Catherine Bissey ait répondu à son invitation.

Titulaire d'une maîtrise de lettres modernes et diplômée de 3e cycle d'ingénierie de formation du CNAM, Catherine Bissey est Directrice R&D au sein de l'OPCO EP, l'Opérateur de Compétences des Entreprises de Proximité. Dès ses premières expériences, Catherine Bissey a considéré la formation continue comme consubstantielle de la progression personnelle et professionnelle des individus.

Ayant bénéficié d’une 2ème chance, via un retour aux études par l’enseignement par correspondance, elle a démarré sa carrière en accompagnant des publics en difficulté, en particulier des jeunes femmes issues de l’immigration, ou des ouvriers en reconversion professionnelle. L’enjeu était de les aider à réussir un nouveau départ pour leur avenir professionnel. Comment aider l’individu à « accoucher » ses compétences ? Comment convertir les savoirs et habiletés développés dans un contexte particulier à un environnement nouveau ?

En définitive, ce qui la mobilise tient en quelques mots : le travail trans-forme. Comment faire en sorte que cette mutation soit à la fois source de satisfaction pour l’individu et de progression pour l’entreprise ? De cette interrogation est née le projet de combiner recherche et applications immédiates … et réciproquement ; de là est née la direction Recherche & Développement. Sa chance et sa force sont de puiser dans le réel, celui du quotidien des métiers et des entreprises, les ressources qui permettent de produire de nouveaux modes d’apprentissage, outils, dispositifs ou concepts… à charge pour eux de réinventer le réel.

Le premier champ impacté par cette relation étroite entre travail et formation est celui de la validation des acquis. C’est pourquoi, dès 2001, Catherine Bissey a développé un outil numérique dont l’objectif était d’accompagner en juste-à-temps et à distance les candidats dans la rédaction de leur dossier de preuves, en particulier ceux pour qui écrire est une épreuve. C’était la première génération de plateforme e.VAE ; l’équipe R&D est actuellement en train d’imaginer la quatrième.

Le second axe privilégié par R&D est celui de la fabrication de certifications. Dans un monde où l’hégémonie des diplômes tient lieu de règle, il est apparu essentiel à Catherine Bissey de valoriser les compétences de ceux qui bien souvent avaient inventé leur métier tout en l’exerçant. À ce jour, 13 certifications ont été développées par R&D. Elles ont toutes en commun d’avoir été créées à partir de l’analyse de l’activité réelle et prescrite. D’autres sont actuellement en chantier et anticipent d’ores et déjà les transformations des métiers.

Enfin, convaincue que le numérique transforme les usages en matière d’apprentissage, Catherine Bissey a publié en collaboration avec un ingénieur informaticien, Jean-Luc Moreau, « TIC et NET, nouvelles voies pour la formation » (Puf, 2003). Depuis, l’intérêt de R&D pour les nouveaux usages en matière de formation continue ne s’est jamais tari. Aujourd’hui, ils se penchent sur toutes les formes que peuvent emprunter les nouvelles façons d’apprendre : formations en situation de travail, entreprises apprenantes, pédagogie inversée, chantiers pédagogiques, dispositifs hybrides, etc.

Publications et travaux universitaires de Catherine Bissey :  

• « Travail et formation, un accord retrouvé ? », Education permanente n°227 - 2021-2, juin 2021 – Catherine Bissey.

• « Collaboration entre Education Nationale et branches professionnelles : l’exemple du bac. pro. de technicien géomètre-topographe », CPC info. 44, juillet 2007 – Catherine Bissey et Jean-Michel Clément.

• « Correspondance(s) », Actualité de la formation permanente, mars-avril 2005 – Catherine Bissey.

• « La Boussole de la performance », Le nouveau journal des huissiers de justice, sept/oct. 2005 – Catherine Bissey.

• « VAE et FOAD : des dispositifs convergents », Actualité de la formation permanente, mai-juin 2004 – Catherine Bissey.

• « L’ingénierie de compétences et de formation, une réponse sur mesure pour les entreprises libérales », Actualité de la formation permanente, mai-juin 2003 – Catherine Bissey.

• « Un outil de diagnostic de la performance de nos études » La Réforme, Editions juridiques et techniques, Paris, 2006 – Catherine Bissey.

L'OPCO EP :

L’opérateur de compétences (OPCO) des Entreprises de Proximité a été agréé sur les bases de l’accord constitutif signé par les organisations interprofessionnelles d’employeurs U2P et CPME et les cinq confédérations syndicales de salariés (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, CGT-FO).

Il s’appuie sur les compétences et le savoir-faire du réseau d’OPCA PEPSS/ACTALIANS et d’AGEFOS PME et se déploie sur tout le territoire national (DROM compris).

L’OPCO EP recouvre les entreprises entrant dans le champ d’application de 54 branches professionnelles ainsi que des entreprises ne relevant pas d’une Convention Collective Nationale (CCN) ou d’un accord national de branche sur la formation, dont l’activité principale relève du champ d’intervention de l’OPCO.

Il regroupe trois domaines d’activité diversifiés qui ont pour point commun la proximité : artisanat, professions libérales et services de proximité.

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